Après une baisse inédite ces dernières années, la consommation de tabac est repartie légèrement à la hausse en 2021. Cette hausse du tabagisme est notamment sensible chez les femmes et les plus précaires. Un triste constat qui nécessite quelques explications.
Le contexte
Avec près de 75000 décès chaque année en France, selon les derniers chiffres officiels de 2019, la cigarette reste la première cause de mortalité évitable dans le pays. Après une baisse “d’une ampleur inédite” entre 2014 et 2019, et une courbe stable en 2020, la consommation de tabac est légèrement repartie à la hausse l’an passé. Cette hausse du tabagisme a était révélé par Santé publique France, dans sa dernière étude publiée le 12 décembre dernier et réalisée auprès d’un échantillon de plus de 31000 français âgés de 18 à 85 ans, résidant en métropole et dans les territoires d’Outre-Mer.
Hausse du tabagisme et disparités sociales
Les Français sont donc plus nombreux à fumer. Et plus précisément les femmes et les personnes les moins diplômées, selon le baromètre de Santé publique France. Et la crise sanitaire pourrait bien en être une des causes.
En 2021, plus de trois Français sur dix, âgés de 18 à 75 ans, soit 31,9 % de la population, déclaraient fumer occasionnellement, et 25,3% quotidiennement. Des chiffres plus élevés qu’en 2019, avant la crise sanitaire liée au Covid. Le tabagisme concernait alors 30,4% de fumeurs occasionnels et 24 % de quotidiens. Certes, la différence n’est pas radicale et le tabagisme en France n’a pas évolué “de façon significative”, note Santé publique France. Néanmoins, on peut s’inquiéter de la progression du tabagisme féminin. Si en 2019, 20,7% de femmes étaient concernées par le tabac, en 2021, elles représentent 23%.
Constat tout aussi inquiétant du côté des Français les moins diplômés : 29% étaient touchés en 2019 contre 32% en 2021. De la même façon, le tabagisme concerne davantage les personnes au chômage que les actifs (45,7% contre 26,6% chez les 18-64 ans).
Enfin, si le sexe et la classe sociale jouent un rôle décisif dans la relation au tabac, il semblerait bien que l’endroit on l’on vit ait aussi une incidence. Ainsi, les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur affichent en 2021 un tabagisme quotidien plus élevé que dans le reste de la France, notamment en l’Ile-de-France et les Pays-de-la-Loire. Quant aux territoires et départements d’outre-mer, la proportion de fumeurs y reste inférieure à celle de l’Hexagone.
Les causes de la hausse du tabagisme
Selon Santé publique France, “l’impact de la crise sociale et économique liée à la Covid-19 ne peut être exclu”. Notamment chez les femmes pour qui la période a encore augmenté l’ampleur des charges quotidiennes. L’Insee avait en effet constaté, lors du premier confinement, que les tâches à la maison étaient plus importantes pour les femmes, au détriment parfois même de leur emploi.
De même, les conséquences psychologiques, économiques et sociales de la crise Covid ont été “davantage marquées” chez les populations défavorisées. Là où la cigarette est considérée “comme un outil pour gérer le stress ou surmonter les difficultés du quotidien”.
Santé publique France nuance tout de même un peu les choses : “Dans un contexte de crise sociale en France dès fin 2018, la prévalence du tabagisme avait augmenté parmi les personnes aux plus bas revenus dès début 2020, avant l’arrivée du Covid”. L’épidémie et le confinement auraient ainsi surtout conforté et installé une tendance déjà amorcée.
Une lueur d’espoir
Santé publique France relève tout de même un résultat “encourageant” : le tabagisme baisse chez les jeunes hommes âgés de 18 à 24 ans. Une tendance jugée cohérente et en adéquation avec la diminution du tabagisme, constatée depuis quelques années chez les adolescents. Pour preuves, alors qu’en 2010, 52% des élèves de troisième avaient déjà fumé, ils ne sont plus que 29% en 2021. Et, s’ils étaient 16% à fumer régulièrement en 2010, ils sont désormais 4% en 2021.
Et la vape ?
La cigarette électronique progresse, et c’est tant mieux ! Si 5,4% de Français l’utilisaient en 2020, ils sont 6,7% en 2021. Et le vapotage quotidien a bondi de 4,3% à 5%. Cela, même si la proportion des 18-75 ans qui ont expérimenté la vape reste stable et tourne autour des 38,7%.
Une progression de la vape, donc, mais un chiffre loin d’être extraordinaire. Et lorsque l’on connaît le potentiel de la cigarette électronique à accompagner un fumeur à se passer de tabac, on se dit qu’elle pourrait sauver bien plus de vies qu’elle ne le fait actuellement… Pourquoi il n’en est rien ? La faute aux politiques, qui loin d’encourager la vape comme outil de sevrage, à l’instar du Royaume-Uni, restent très frileux sur la question. Les médecins, aussi, sont responsables. Peu ou mal informés, à mille lieux des dernières études parues concluant que la vape est 95% moins dangereuse que la cigarette et est certainement le mode de sevrage tabagique le plus efficace, ils sont une minorité à la suggérer à leurs patients désireux d’en finir avec la cigarette.
Des résultats mitigés, donc… Et qui interrogent quant à l’objectif du gouvernement de parvenir à une génération sans tabac à l’horizon 2032.
